Intensification du développement des Centres d’Excellence pour le plaidoyer et les soins de santé des personnes transgenres au Kenya

Les groupes Trans* et intersexes du Kenya ont des difficultés à trouver, demander et mettre en œuvre des financements. De nombreux groupes Trans* et intersexes émergeants du pays ne sont pas autonomes, ce qui limite leur capacité à prendre des décisions financières, notamment concernant l’utilisation des financements. Ces groupes manquent de ressources pour le plaidoyer, l’organisation communautaire, le soutien par les pairs, le plaidoyer au niveau individuel, les services sociaux et les besoins de santé des personnes Trans* et intersexes. En outre, les groupes Trans* et intersexes du Kenya ne reçoivent pas directement de financement bilatéral, mais leur accessibilité reste inégale, en particulier quand les financements sont attribués à des organisations plus importantes.

L’intensification du développement de Centres d’Excellence pour le Plaidoyer et la Santé des personnes transgenres (CoE) dans les comtés de Kisumu, Nairobi, Mombasa et Uasin-Gishu au Kenya est un projet innovant soutenu par le programme Power of Pride 2021-2025. Ce modèle cherche à participer au développement inclusif durable des mouvements trans*, intersexes et non-binaires en renforçant leurs capacités de plaidoyer afin de lutter contre la pauvreté et l’injustice grâce à la valorisation des approches de transformation sociale.

Cela renforce : (i) le rôle politique (éducation, communication, représentation et coopération technique) des organisations de la société civile (OSC) Trans* ; (ii) la capacité de plaidoyer des OSC Trans*, renforcée afin d’influencer les décideurs, de faire entendre la voix des groupes Trans* émergeants aux niveaux local et national, et, en définitive, de contester les rapports de force inégaux qui font perdurer la pauvreté et l’exclusion ; (iii) les espaces politiques pour les OSC Trans* afin de questionner quels sont les facteurs contextuels nationaux importants pour le développement des OSC, de comprendre les menaces et les opportunités du système politique en matière d’action sociale dans des systèmes complexes et multiniveaux, et d’aborder la réflexivité du rétrécissement des espaces politiques en permettant de comparer les pays, en signalant les évolutions des tendances au niveau mondial et en établissant un programme d’action ; (iv) le programme de recherche des OSC Trans* qui a pour objectif de mieux connaître les processus complexes du changement politique et sociétal et comment les OSC Trans* et le financement des bailleurs peuvent les influencer.

Le réseau national de plaidoyer des personnes transgenres du Kenya (National Transgender Advocacy Network of Kenya, NTAN), co-présidé par la Trans*Alliance et Jinsinagu, a organisé un forum national réunissant quatre organisations de premier plan (Trans*Alliance, Jinsiangu, Pwani Transgender Initiative, et Queer Initiative) au Kenya. Ce forum avait pour objectif d’échanger à propos des subventions philanthropiques participatives, repensées en fonction des attitudes et des capacités des nouvelles OSC Trans*, en termes d’efficacité, de transparence, d’action ascendante et d’éthique de co-création. Ces organisations remettent également en question les notions de leadership hiérarchique, et préfèrent la collaboration et les dispositifs horizontaux dans lesquels “chacun est un leader”.

Cette réunion a été l’occasion pour le NTAN, coprésidé par Trans*Alliance et Jinsiangu, de réunir quatre organisations de premier plan (Trans*Alliance, Jinsiangu, Pwani Transgender Initiative et Queer Initiative) au sein d’une coalition solide pour dialoguer au sujet des subventions participatives, redéfinies par les attitudes et les capacités des mouvements trans* et intersexes en matière de vécu au Kenya.

Lors de cette rencontre, le NTAN a adopté un modèle innovant comme méthode de mise en place des centres d’excellence (CoE) pour les programmes Trans* et intersexes au Kenya : le modèle “hubs and spokes” (ou réseau en étoile). Ce modèle permettra aux organisations Trans* et intersexes du pays d’influencer, de soutenir et d’intensifier le plaidoyer national et local, permettant ainsi aux organisations locales de renforcer leurs capacités à mener des actions solides et fortes. Le modèle de réseau en étoile “hubs and spokes” aura également un rôle de conseil au niveau national et régional, à tous les niveaux de gouvernance, afin d’encourager les réformes politiques dans le pays.

Grâce à ce modèle, une stratégie de plaidoyer sur cinq ans et un cadre national de Suivi et d’Evaluation pour le programme Power of Pride ont été élaborés, dont les axes sont : améliorer la capacité organisationnelle des OSC dirigées par des personnes trans* afin de développer des stratégies communes et une meilleure compréhension au sein des communautés LGBTI ; renforcer les mouvements et le leadership des OSC trans*, qui reflètent la diversité de la communauté ;  améliorer la capacité de communication des OSC trans* avec les mouvements plus larges de défense des droits humains ; créer des alliances avec des communautés et d’autres parties prenantes clés, directement soutenir des groupes locaux Trans* en investissant 204 000 USD dans le prochain cycle de 5 ans, en apportant un soutien direct au leadership des OSC Trans* et à leur participation effective aux actions et discours en faveur des droits humains, démontrant ainsi un engagement et une collaboration accrus entre les OSC Trans du Kenya.  Cette approche permettra de garantir la cohérence des actions, d’en accroître leur efficacité, d’améliorer la qualité et l’offre de services sociaux, de mieux couvrir l’ensemble du territoire, ce qui permettra un haut niveau de flexibilité et une meilleure coordination au niveau du réseau national. Pour les situations où l’infrastructure technique limitée restreindrait les évolutions, il a été décidé de s’aligner sur la stratégie gouvernementale.

Grâce à ce forum, les communautés sont replacées au centre des décisions philanthropiques, où ce sont elles qui mobilisent du capital (financier, civique, social, humain, politique et intellectuel) pour créer une société diversifiée et inclusive où les personnes Trans*, intersexes et non-binaires du Kenya peuvent participer pleinement.

Les groupes trans et intersexes du Kenya ont besoin d’être soutenus dans le renforcement de leurs capacités afin de pérenniser et développer leurs mouvements ainsi que de prévenir le risque de surmenage, notamment en lien avec la guérison des traumatismes. Pour renforcer leur autonomie organisationnelle, ces groupes ont également besoin d’être formés à la recherche et la demande de financements, à la gestion des finances et du budget, ainsi qu’au leadership et au management. Cette subvention est la première occasion pour les communautés de mobiliser du capital (social, financier, civique, humain, politique et intellectuel) pour créer une société diverse et inclusive où les Kényans trans, intersexes et non-binaires pourraient jouir de leurs libertés et droits fondamentaux.  Cependant, le renforcement des capacités est un changement endogène sur le long terme, développer les capacités institutionnelles est l’objectif à long terme, mais les obstacles sont complexes, fortement influencés par l’environnement national, ainsi que par les pressions à se conformer à un ensemble de normes institutionnelles. Nous espérons que les retombées attendues s’étendront au-delà des organisations cibles.